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Tribune de la SMERRA et LOGIFAC sur la question du logement étudiant
Novembre 2020

 


 

Logement étudiant : merci pour les promesses ... place à la coopération public-privé !

 

Une crise sans fin

Novembre 2020 : la question de la crise du logement étudiant n’est un mystère pour personne. Le secteur semble en crise chronique depuis des années.

Chaque rentrée universitaire apporte sa litanie de chiffres montrant l’ampleur de la précarité qui ronge le monde étudiant : 20% des élèves et étudiants se situent ainsi aujourd'hui sous le seuil de pauvreté[1] , 30% d'entre eux ont dû renoncer à des soins ou des examens médicaux pour des raisons financières[2] . La hausse du coût de la vie étudiante s’élève à 3,69% pour 2020, celle du prix du logement (public et privé) de 3,5% (moyenne nationale), avec des disparités selon les villes : + 5,42% pour Lyon, - de 1% pour Dijon ou Nancy.
Le loyer reste la dépense principale et représente 69% du budget mensuel d'un étudiant[3] . Par ailleurs, plus de 2 millions d’étudiants sont hébergés dans leurs familles, dont un fort pourcentage, faute de trouver un logement indépendant[4] , environ 79% des étudiants sont non-boursiers, les filières sélectives et celles non sélectives creusent un fossé entre les jeunes des milieux aisés et ceux des classes populaires…
Une situation qui s'avère encore plus dramatique en 2020 pour une partie de la jeunesse fragilisée par les conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19.
En effet, le confinement a généré un mal être psychologique considérable, dû aux effets pernicieux de l’isolement ; malaise qui s’intensifie avec l’obligation d’assister aux cours en distanciel. Cet état constitue un nouveau sujet de préoccupation dont les acteurs du monde étudiant doivent se saisir rapidement.

Ces chiffres ahurissants et cette situation dégradée ne semblent plus émouvoir personne, mais aujourd’hui, la SMERRA et LOGIFAC tirent une sonnette d’alarme et appellent à une coopération public-privé immédiate.

 

Une précarité étudiante qui s'amplifie

Au-delà de faire partie des premiers besoins fondamentaux de l’être humain, le logement constitue un élément clé de l’égalité des chances et de la réussite. Il contribue à la mobilité des jeunes, à leur procurer les conditions sereines pour leurs recherches d’orientation professionnelles, à l’acquisition de leur autonomie et à leur épanouissement personnel. Il rend possible la diversité sociale et participe ainsi à une société plus apaisée.
Or, est-il encore besoin de le rappeler ? La France manque cruellement de logements (et services) étudiants abordables, plus spacieux, plus fonctionnels, plus énergétiquement performants, accessibles en transports en commun et/ou proches des lieux d’enseignement.

Malgré certaines initiatives en la matière et une mobilisation de tous les acteurs - constructeurs, promoteurs, exploitants de résidences en secteur libre ou conventionné, associations et État -, les propositions s’accumulent et dans la réalité rien ne change : les incidents graves se multiplient, la précarité étudiante s’amplifie.

 

Une action gouvernementale enfin effective ?

Les différentes mandatures des années passées, conscientes de l'enjeu soulevé par cette question de société fondamentale, ont inclus la construction et/ou la rénovation de logements étudiant à leurs programmes électoraux.
Chaque gouvernement a annoncé son lot de plan, programme, réforme… et autres propositions. Pour un résultat toujours identique[5] : un fossé qui ne cesse de se creuser entre les promesses faites et la réalité concrète du terrain. La situation reste critique et la pénurie de logements décents pour les étudiants persiste.

Le gouvernement récent de Jean Castex, nommé par Emmanuel Macron, sera-t-il enfin LE gouvernement qui parviendra à tenir ses promesses rapidement sur le sujet ? Celui qui fera moins de discours et mettra en œuvre des actions concrètes, efficaces, pour débloquer la situation et permettre la construction de logements par les opérateurs publics, privés et associations ? Sera-t-il vraiment celui « qui dit ce qu’il fait et surtout, celui qui fait ce qu’il dit » ?

Depuis quelques mois, l’État, autour de Frédérique Vidal - ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation-, Julien Denormandie puis Emmanuelle Wargon - ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement-, montre les signes d’une volonté d’avancer. Mais le chemin semble trop long pour passer de la volonté exprimée à sa traduction effective sur le terrain. Et le temps qui passe est dévastateur pour les jeunes.

 

Une coopération public-privée salvatrice

Les œuvres universitaires gèrent un parc immobilier d’envergure, avec 175 000 places réparties sur plus de 600 résidences universitaires ; parc qui apparait bien insuffisant et souvent vétuste pour répondre aux demandes de 2,6 millions d’étudiants en France dont 709 775 boursiers.

Aujourd’hui, de nombreuses données laissent apparaitre que le gouvernement devrait recentrer l’action des œuvres universitaires au bénéfice exclusif des étudiants boursiers et s’appuyer sur les autres acteurs de la vie étudiante (publics, privés et secteur de l’économie sociale et solidaire) pour compléter l’offre de logements et services.

En effet :

  • Seuls 25% de l’ensemble des étudiants boursiers de l’Etat et 7% de l’ensemble des étudiants en France sont logés au sein de ce parc social[6]
  • Sur le nombre total, environ 50 000 places du parc locatif des Crous sont occupées par des étudiants internationaux (sans critère de ressources) ; cela au détriment des étudiants les plus en difficulté financière[6].
  • De fait, les 129 879 étudiants boursiers (échelons 6 et 7, c’est-à-dire les situations les plus précaires) n’ont pas tous accès à des places via le Crous[6].

Par ailleurs, le gouvernement a lancé diverses actions en faveur du logement étudiant, mais pour les seuls Crous : priorité pour l’usage du foncier, priorité pour la réhabilitation de certains bâtiments inhabités… Ces actions sont cohérentes avec la mission d’utilité publique des œuvres universitaires mais ces dernières ne peuvent résoudre seules toutes les questions.

 

Une seule solution pour le logement étudiant : de l’audace et du changement !

Signé le 2 octobre dernier, un protocole CPU-CNOUS-USH (Conférence des Présidents d’Université, Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires et Union Sociale pour l’Habitat) ne va pas dans le sens de l’association de l’ensemble des parties prenantes. La puissance administrative publique vient de donner un nouvel aperçu de son cloisonnement et de son entre soi en édictant un protocole national « pour la mobilisation de l’ensemble des acteurs en faveur du logement des étudiants et des jeunes » signés par seulement deux acteurs publics du monde étudiant (CPU, CNOUS) !
Pour autant, ni la Conférence des Grandes Écoles, ni l’AVUF (Association des Villes Universitaires de France), ni l’AIRES (Association Interprofessionnelle des Résidences Etudiants et Services), n’ont été sollicités pour être signataires de ce document.
Qui peut se permettre, alors, de parler sérieusement d’une « mobilisation de l’ensemble des acteurs » ? Qui peut croire que la gestion du logement étudiant puisse reposer sur le seul opérateur public ?

Au vu de l’urgence de cette conjoncture, les acteurs privés et ceux du secteur non lucratif demandent une coopération de tous pour avancer plus vite et mieux. Ils peuvent eux-mêmes apporter leur expertise en la matière pour compléter l’offre publique - trop faible quoi qu’il en soit : construction et gestion de résidences, intégration d'une dimension de bien-être dans les résidences, intégration des locataires dans l’espace territorial d'implantation, apport de services différents qui simplifient le quotidien…

Aujourd’hui, ces acteurs sont prêts à se mobiliser rapidement. Ils demandent à être appelés par l’État pour aider à résoudre cette crise et accompagner le gouvernement dans son action d’intérêt général.

 

Le chantier prioritaire du logement : la construction

Le logement étudiant est sous perfusion depuis trop longtemps. Il faut lui apporter de l’oxygène avant qu’il ne s’asphyxie totalement. Et son oxygène, c’est la construction. Aujourd’hui, il est temps de dire stop aux annonces, aux effets de manche, à la langue de bois, aux beaux discours. Aujourd’hui, il faut se lancer et … bâtir, bâtir, bâtir !

Et pour bâtir, il n’y a pas trente-six solutions : il faut libérer du foncier. C’est pourquoi la SMERRA et LOGIFAC appellent la représentation nationale (Assemblée nationale et/ou Sénat) à réquisitionner du foncier public. L’État doit également remettre de l’ordre dans son organisation administrative pour alléger les procédures et redonner de l’autonomie aux régions.
Il doit également donner à réhabiliter des logements et/ou bâtiments inoccupés, désaffectés ou à réaffecter. L’État doit proposer ces marchés à la fois au service public, aux entreprises privées et du secteur non lucratif. Tout cela pour permettre d’instaurer une gestion territorialisée des logements et construire de façon « intelligente », en adéquation avec les attentes locales.

 

Une volonté forte : coopérer pour le bien-être et la réussite des étudiants

On ne le dira jamais assez : le programme est vaste, il y a du travail pour tous les acteurs, publics, privés et associatif.
Très concernés par ces problématiques majeures que sont la réussite des étudiants mais aussi, et surtout, leur autonomie et leur santé, la SMERRA et LOGIFAC, lancent un appel à cette coopération rapide.
D’une seule voix, ces deux acteurs importants du secteur se saisissent de cette question cruciale du logement étudiant pour rappeler au gouvernement qu'il est urgent d'agir.

Comme l'affirmait avec force Nelson Mandela : "Une société qui ne s'occupe pas de ses enfants n'est pas une vraie nation."
Tous ensemble, nous devons nous occuper des générations à venir. Parce que c'est notre responsabilité et, plus encore, notre devoir.

 


Baptiste Mougeot, Président de la SMERRA et Lionel Lérissel, Directeur général de LOGIFAC

 

Santé, prévention, assurances, loisirs, logement : la SMERRA, mutuelle du secteur non lucratif, développe une approche globale des besoins étudiants depuis 50 ans. Forte d’un réseau de 65 agences, points d’accueil et de plus de 50 résidences étudiantes en France – avec LOGIFAC -, elle propose un univers de services dédiés à l’accompagnement et à la réussite étudiante favorisant plus largement « le mieux vivre étudiant ».
LOGIFAC, réseau d’acteurs du secteur non lucratif dédié au logement des lycéens, apprentis, stagiaires, étudiants, universitaires, jeunes et adultes en formation, fédérés par la SMERRA, mutuelle étudiante, qui agit depuis plus de 35 ans dans le logement étudiant libre et conventionné. LOGIFAC c’est : + de 50 résidences dans les principales villes universitaires de France + de 7.000 logements gérés en prise à bail commercial et en mandat auprès d’investisseurs institutionnels et particuliers.

 


[1] Enquête INSEE "Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2016" publiée en 2018
[2] Enquête Observatoire national de la vie étudiante, 2016
[3] 16ème Étude annuelle de l’Unef, août 2020
[4] Rapport « L’État du mal-logement en France » Fondation Abbé Pierre, 2017
[5] Exception faite du « Plan 40 000 » de la mandature de François Hollande, considéré comme ayant tenu ses promesses.
[6] Sources : « Guide d’action pour le logement » - Fage Les assos étudiantes
+ « Livre blanc : sécuriser la gestion du logement étudiant conventionné pour la réussite du Plan 60 000 » - AIRES (Association interprofessionnelle des Résidences Étudiants et Services) - 2019
+ Rapport de gestion 2019 des Crous - Cnous